A propos des lois-cadres de restitutions
Gérard Sousi
Président de l’Institut Art & Droit
La délicate question de la sortie des collections publiques de biens culturels aux fins de restitutions à des particuliers ou à des Etats ainsi que l’adoption de lois-cadres destinées à les faciliter et encadrer, sont en pleine actualité.
Une première loi-cadre relative à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945 a été promulguée le 22 juillet 2023. Une deuxième, relative à la restitution des restes humains à leurs pays d’origine a été adopté par le Sénat le 13 juin 2023, par l’Assemblée nationale le 13 novembre 2023 et renvoyée en Commission mixte paritaire.
Enfin, le texte d’une troisième loi-cadre est en préparation, portant cette fois sur la restitution à leurs pays d’origine de biens culturels dits « biens coloniaux ».
Les Etats africains sont les premiers concernés par la dernière et il est à espérer que les restitutions à venir seront l’occasion d’ouvrir une nouvelle ère dans les relations entre la France et l’Afrique.
L’édiction de règles précises et rigoureuses et de procédures claires et transparentes destinées à faciliter la mise en œuvre des restitutions décidées, constitue un acte majeur qui donne à la France la primauté dans ce domaine tout en affirmant son humanisme traditionnel.
Il convient toutefois d’aller plus loin et convertir ces avancées techniques et juridiques en une véritable politique culturelle de « retour » et d’accompagnement des biens restitués. Le retour des biens culturels mérite de s’inscrire dans un cadre plus large, celui d’une véritable et sincère coopération culturelle entre la France et l’Afrique.
Cette coopération doit intégrer d’une part, le soutien à la création d’établissements destinés à recevoir et à montrer les biens culturels restitués et d’autre part, le soutien indispensable à la formation de conservateurs, médiateurs et de restaurateurs professionnels, notamment.
Il convient aussi de sensibiliser les jeunes générations africaines à l’origine, à l’histoire, au sens profond et à la dimension humaine des biens restitués. Il incombe à ces dernières d’assimiler, de « s’approprier » ces biens afin d’en devenir les meilleurs gardiens et garants ; à elles de les protéger, sauvegarder et de faire que ces biens demeurent sur leur sol historique et légitime.
Remplacer l’aide militaire française rejetée de plus en plus par les Etats africains par une aide culturelle digne de la France des Lumières serait le meilleur atout pour regagner leur confiance et pour jouer un nouveau rôle en Afrique.
Les restitutions ne doivent pas être synonymes d’amère résignation pour la France et de vindicatives réclamations pour les Etats africains, mais synonymes d’une amicale coopération culturelle, bénéfique de part et d’autre.
27/11/2023